L’accident d’hélicoptère en Nouvelle-Zélande révèle des failles dans la gestion du vortex ring state (VRS)

L'accident d'hélicoptère en Nouvelle-Zélande révèle des failles dans la gestion du vortex ring state (VRS)

Un accident récent en Nouvelle-Zélande impliquant un Kawasaki BK117 B-2 souligne les dangers du vortex ring state (VRS) et les insuffisances des manuels de vol.

Le 19 septembre 2023, un hélicoptère médical Kawasaki BK117 B-2 a percuté le mont Pirongia, Nouvelle-Zélande, suite à une entrée en vortex ring state (VRS). Ce phénomène aérodynamique survient lors d’une descente à faible vitesse et provoque une perte rapide de portance, rendant la récupération difficile. Le rapport d’enquête de la Commission néo-zélandaise sur les accidents de transport (TAIC) révèle que des vents ascendants puissants, combinés à une attitude en tangage élevée, ont accéléré l’entrée dans le VRS. Le pilote expérimenté a tenté sans succès des méthodes de récupération, soulignant des lacunes majeures dans la documentation technique fournie aux pilotes. L’enquête recommande aux fabricants d’inclure des données précises sur le VRS dans leurs manuels pour améliorer la sécurité aéronautique.

L'accident d'hélicoptère en Nouvelle-Zélande révèle des failles dans la gestion du vortex ring state (VRS)

Analyse détaillée de l’accident du BK117 B-2 sur le mont Pirongia

Le 19 septembre 2023, un hélicoptère Kawasaki BK117 B-2, appartenant à Search and Rescue Services Ltd, intervenait pour secourir un randonneur blessé sur le mont Pirongia, situé sur l’île du Nord en Nouvelle-Zélande. Lors de la descente à environ 91 mètres (300 pieds) au-dessus du sol, l’appareil a brusquement perdu de la portance, entrant dans une descente incontrôlée connue sous le nom de vortex ring state (VRS).

Selon la TAIC, la descente rapide est directement liée au VRS, phénomène aérodynamique survenant principalement lors de descentes verticales lentes. En conditions normales, l’air poussé vers le bas par les pales du rotor crée une portance suffisante. Cependant, à basse vitesse horizontale et fort taux de descente, l’air recyclé à travers le rotor génère un anneau tourbillonnaire autour des pales, réduisant fortement la portance.

Dans ce cas précis, la vitesse horizontale de l’hélicoptère était d’environ 48 km/h (26 nœuds) avec un taux de descente de 198 mètres par minute (649 pieds/min), en-dessous des seuils habituels pour ce type d’appareil. Cependant, les conditions spécifiques du vol, dont la topographie montagneuse et des vents ascendants de 37 à 56 km/h, ont abaissé le seuil d’entrée en VRS. L’inclinaison élevée du nez vers le haut (20 degrés) a accentué le flux ascendant d’air à travers le rotor, amplifiant le phénomène.

Le pilote, fort de plus de 7000 heures de vol, a immédiatement ressenti les symptômes classiques du VRS, notamment l’absence de réponse des commandes. Il a alors tenté deux techniques de récupération : d’abord la récupération classique (manche vers l’avant, réduction de puissance collective), puis la méthode Vuichard (manœuvre latérale avec augmentation de puissance et de commande anti-couple). À faible altitude, ces manœuvres se sont révélées insuffisantes. Le pilote a donc privilégié un atterrissage contrôlé dans les arbres. Les trois occupants (pilote, opérateur de treuil et paramédic) sont sortis indemnes grâce à la résistance structurale élevée du BK117 B-2, conçu pour résister aux impacts violents.

Les facteurs aérodynamiques spécifiques du vortex ring state (VRS)

Le vortex ring state est un phénomène critique en hélicoptère, résultant d’un écoulement tourbillonnaire torique autour du rotor principal. Techniquement, ce phénomène survient lorsque l’appareil descend verticalement à des vitesses faibles, typiquement inférieures à 30 km/h (16 nœuds) et avec des descentes dépassant les 90 mètres par minute (300 pieds/min) pour des appareils standards.

Le rapport TAIC précise que les appareils ayant une charge de disque rotorique élevée, comme le Kawasaki BK117 B-2, entrent dans le VRS à des vitesses horizontales et verticales plus élevées. La charge de disque est déterminée par le poids total de l’hélicoptère divisé par la surface balayée par les rotors. Ainsi, les appareils lourds ou à rotors réduits, comme le Sikorsky CH-53E ou le Bell Boeing MV-22B Osprey, sont particulièrement sensibles au phénomène et peuvent entrer en VRS à des seuils bien plus élevés.

Concrètement, le BK117 impliqué, avec une masse au décollage proche de la limite opérationnelle (environ 3 350 kg), présente une charge rotorique supérieure à celle d’hélicoptères légers comme le Bell JetRanger (environ 1 500 kg). Cette caractéristique augmente significativement le risque d’entrer en VRS dans des conditions pourtant habituelles pour d’autres appareils plus légers.

L’effet combiné de la topographie montagneuse, des vents ascendants et de l’angle de tangage élevé a abaissé considérablement le seuil d’entrée en VRS. La TAIC estime que l’appareil est entré dans le VRS environ quatre secondes plus tôt que prévu par les standards théoriques, avec une vitesse de descente inférieure de près de 40 % à celle généralement associée à ce phénomène.

Conséquences et lacunes des manuels de vol actuels

Une conclusion majeure du rapport est l’insuffisance criante des informations sur le VRS dans les manuels de vol civils. Actuellement, la réglementation aérienne internationale (ICAO) ne contraint pas les fabricants à préciser les limites exactes du phénomène. De ce fait, les pilotes utilisent souvent des règles empiriques approximatives apprises lors des formations initiales, rarement adaptées précisément au modèle d’hélicoptère utilisé.

Cette absence de données précises entraîne une méconnaissance des seuils exacts d’entrée en VRS selon le modèle d’hélicoptère, la masse embarquée, l’altitude et les conditions atmosphériques réelles. Le rapport recommande ainsi aux constructeurs d’inclure dans les manuels de vol des graphiques techniques clairs, indiquant précisément les seuils de vitesse horizontale et verticale spécifiques à chaque modèle d’appareil.

En réponse à ces recommandations, Kawasaki a accepté d’inclure ces informations techniques précises dans ses manuels, en coopération avec le bureau japonais de certification aérienne dès 2024. Cependant, une généralisation mondiale exigera une coopération internationale plus large, avec des démarches auprès de l’ICAO afin que ces précisions soient systématiques et obligatoires pour tous les fabricants d’hélicoptères civils.

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Vers l’intégration de systèmes d’alerte VRS dans les cockpits

Enfin, l’enquête TAIC évoque la pertinence technique d’équiper les nouveaux hélicoptères de systèmes d’alerte du VRS, capables d’anticiper les conditions d’entrée et d’avertir le pilote suffisamment tôt. Bien que techniquement complexes et coûteux à installer sur les modèles anciens, ces systèmes sont envisagés comme des équipements standard pour les futurs modèles.

L’Autorité aérienne civile néo-zélandaise (CAA) reste toutefois prudente sur ces recommandations, évoquant la nécessité d’études plus approfondies sur les coûts et les impacts opérationnels réels avant de rendre obligatoire l’intégration généralisée de tels systèmes d’alerte.

HELICOLAND est le spécialiste de l’hélicoptère