La réduction des effets du recirculage du souffle rotor principal sur les pales

La réduction des effets du recirculage du souffle rotor principal sur les pales

Les constructeurs d’hélicoptères développent des solutions pour minimiser le recirculage du souffle rotor principal, optimisant ainsi les performances et la sécurité en vol.

L’efficacité des hélicoptères dépend en grande partie de la gestion des flux d’air générés par le rotor principal. Le phénomène de recirculage du souffle rotor, où l’air expulsé par les pales est réintroduit dans le système, peut entraîner une perte de portance et une augmentation de la traînée. Les constructeurs d’hélicoptères ont donc mis au point diverses stratégies pour atténuer ces effets indésirables, améliorant ainsi les performances et la sécurité des appareils.

Les causes et conséquences du recirculage du souffle rotor principal

Le recirculage du souffle du rotor principal désigne le phénomène aérodynamique par lequel une partie significative du flux d’air expulsé vers le bas par les pales est déviée par le sol ou des structures proches, remonte verticalement ou obliquement, puis est réaspirée dans le disque rotor. Ce phénomène est typique du vol stationnaire à faible altitude et en particulier en effet de sol (IGE), où l’interaction du flux induit avec la surface amplifie les effets indésirables sur la dynamique du vol.

Lorsqu’un hélicoptère stationne à quelques mètres du sol, l’air projeté verticalement par les pales se heurte au sol, s’étale radialement, puis peut être redirigé vers le rotor par effet de bordure ou par interaction avec le fuselage. Ce retour d’air, chargé de perturbations, modifie le régime de flux autour des pales et provoque un désalignement entre le flux incident et le plan de rotation du rotor, réduisant l’efficacité aérodynamique globale du système.

La réduction des effets du recirculage du souffle rotor principal sur les pales

Les mécanismes aérodynamiques du recirculage

Le rotor principal fonctionne comme une hélice à axe vertical, générant une poussée par accélération de la masse d’air vers le bas. En vol stationnaire, selon la théorie de la quantité de mouvement, cette masse d’air forme un jet induit descendant, dont la vitesse verticale au disque rotor est d’environ 1/2 de la vitesse finale en sortie de colonne d’air.

Au sol, cette colonne d’air ne peut se poursuivre librement : elle est déviée par la surface, provoquant un écoulement radial à vitesse élevée (pouvant atteindre 15 à 20 m/s selon les modèles d’hélicoptère et la poussée appliquée). Ce flux, dit outwash, reste bidimensionnel tant qu’il n’est pas perturbé. Mais des irrégularités de terrain, des rebonds aérodynamiques contre la cellule ou l’environnement (murs, reliefs) créent un reflux ascendant, notamment sur les bords du disque rotor ou du fuselage.

Le résultat est un effet de recirculation qui introduit de l’air turbulent, réchauffé, à faible énergie, dans le domaine d’entrée du rotor, augmentant l’angle d’incidence local sur certaines sections de pales, particulièrement en amont du disque ou au niveau des bords d’attaque. Ce flux parasitaire provoque une perturbation asymétrique qui interfère avec la portance et la stabilité dynamique de l’appareil.

Ce phénomène est amplifié lorsque :

  • la hauteur du rotor par rapport au sol est inférieure à 0,5 à 0,7 fois le diamètre du rotor principal ;
  • la masse de l’hélicoptère est élevée (poussée accrue, jet induit plus intense) ;
  • le vent relatif est nul ou faible (vent inférieur à 5 nœuds), ce qui réduit le déplacement horizontal naturel du flux ;
  • l’environnement est confiné (opérations en zone urbaine, héliport, hangar, etc.).

Conséquences sur les performances aérodynamiques et mécaniques

Lorsque le flux recirculé atteint le plan du rotor, l’air perturbé entre dans le système avec un angle et une énergie cinétique non optimisés. Il en résulte :

  • Une augmentation non uniforme de l’angle d’attaque des sections de pales, en particulier sur les portions situées en avant du mât rotor. Si cet angle dépasse le point critique (typiquement 12 à 14° selon le profil), cela peut entraîner un décollement local du flux et des microstall.
  • Une réduction de la portance moyenne produite par les pales, avec une efficacité globale abaissée jusqu’à 10 à 15 % dans certains cas documentés (essais sur Bell 206 et AS350).
  • Une augmentation de la traînée induite, nécessitant un surcroît de puissance moteur pour maintenir la station, ce qui accroît la consommation de carburant de 7 à 12 % selon les tests (source : essais dynamiques sur maquettes RANS CFD et souffleries).
  • Une instabilité dynamique due à la fluctuation du flux d’entrée, provoquant des oscillations verticales et latérales, avec impact sur la fatigue des composants (rotules, pales, engrenages).
  • Une hausse de la température des flux moteurs, liée à la réaspiration des gaz chauds si les échappements sont situés près du disque rotor. Cette température peut dépasser +20 à +30°C par rapport aux conditions normales, altérant les marges thermiques admissibles.

Enfin, au-delà des impacts directs sur les performances, le recirculage augmente l’exposition des pales à des charges asymétriques et instables. Cela se traduit par un stress mécanique variable, accélérant les phénomènes de microfissures, notamment en bord de fuite, et réduisant la longévité de certains composants critiques du système rotor.

Les solutions adoptées par les constructeurs pour minimiser le recirculage

Face à l’impact aérodynamique et énergétique du recirculage du souffle rotor principal, les industriels du secteur hélicoptère ont développé plusieurs stratégies ciblées. Ces approches combinent l’optimisation géométrique des rotors, l’ajustement de la configuration de l’appareil, l’intégration de capteurs et de commandes numériques, ainsi que des protocoles opérationnels adaptés aux conditions les plus propices à ce phénomène.

L’objectif est double : stabiliser le flux d’entrée au niveau du disque rotor et réduire la quantité d’air perturbé réintroduite dans le flux propulsif. Chaque solution est conçue pour répondre à un ensemble précis de paramètres opérationnels et structurels propres à chaque modèle d’hélicoptère.

La conception aérodynamique optimisée des rotors

La forme et la structure des pales influencent directement la manière dont l’air est accéléré puis diffusé. Les constructeurs comme Airbus Helicopters, Leonardo ou Sikorsky travaillent sur des profils de pales à vrillage négatif progressif, adaptés pour répartir la portance de manière linéaire du pied jusqu’à l’extrémité. Ce vrillage permet de limiter les zones à forte incidence locale.

Par ailleurs, un rapport d’allongement élevé (longueur de pale sur corde moyenne) augmente le rendement aérodynamique et abaisse l’intensité du jet induit, réduisant donc la vitesse de l’outwash au sol. Sur les modèles modernes comme l’H145 D3 ou le AW169, les pales sont conçues en matériaux composites multicouches, avec profil asymétrique et extrémité en sabre (swept tips) afin de réduire la formation de tourbillons marginaux, responsables de recirculation secondaire.

L’ajout de dispositifs vortex control ou de mini-tabs sur le bord de fuite permet aussi de stabiliser le flux aval, réduisant les risques de reflux par effet Coandă inversé.

L’élévation du rotor et la reconfiguration du mât

L’une des méthodes les plus simples mais efficaces reste l’augmentation de la hauteur entre le disque rotor principal et la surface. Les essais menés sur simulateurs et bancs dynamiques (notamment ceux de la NASA Ames Research Center) montrent que lorsqu’un rotor est placé à une hauteur équivalente à 1,5 fois le rayon du rotor (H/R ≥ 1.5), les flux recirculés sont réduits de plus de 80 %.

Cette solution est partiellement mise en œuvre sur des plateformes comme le Sikorsky S-92 ou le CH-53K, qui bénéficient d’un rotor placé plus haut que la moyenne du marché (environ 4,2 m au-dessus du train principal). L’augmentation de la hauteur du mât, tout en augmentant légèrement la masse structurelle, réduit les contraintes aérodynamiques dues à l’environnement immédiat.

Dans certains cas, une inclinaison légèrement vers l’avant du plan du rotor (jusqu’à 3 à 5°) a été introduite pour aider à évacuer plus efficacement le flux d’air vers l’arrière de l’appareil, là où le reflux est moins probable.

L’intégration de systèmes de contrôle actif du flux rotor

Les systèmes de pilotage assisté, en particulier les commandes de vol électriques (Fly-By-Wire), permettent de réguler dynamiquement la réponse du rotor face à des variations soudaines de flux induits. Ces dispositifs, couplés à des capteurs de flux IR, LiDAR ou pression statique, permettent d’anticiper les zones de recirculation.

L’NH90 et l’EC175 intègrent des calculateurs capables de moduler l’angle de pas collectif et cyclique en temps réel sur certaines zones du disque. L’objectif est de compenser la perte de portance locale liée à un flux perturbé, tout en évitant une élévation trop importante du régime moteur.

Des recherches expérimentales menées par ONERA et DLR (Deutsches Zentrum für Luft- und Raumfahrt) portent également sur l’introduction de systèmes actifs à jet pulsé à la base du mât rotor, injectant des micro-jets dirigés pour dévier les flux parasites avant qu’ils ne pénètrent dans le plan du rotor. Ces technologies sont encore à l’état de démonstrateurs.

La réduction des effets du recirculage du souffle rotor principal sur les pales

Les procédures de vol et la formation opérationnelle

Enfin, les constructeurs recommandent systématiquement des procédures spécifiques pour limiter le recirculage lors des phases critiques de vol en stationnaire. Ces recommandations sont intégrées dans les flight manuals et programmes de formation type EASA ou FAA.

Par exemple, l’approche d’un site confiné doit se faire avec un vent apparent supérieur à 5 nœuds, de manière à décaler le flux principal vers l’arrière. Les procédures de hover taxi sont également préférées aux stationnaires prolongés, notamment lorsque la masse de l’appareil dépasse 80 % de la masse maximale au décollage (MTOW).

Les instructeurs utilisent des simulateurs dynamiques pour entraîner les pilotes à reconnaître les premiers signes de recirculation (vibrations verticales, perte progressive d’altitude sans alerte moteur, saturation du levier collectif). Ces simulateurs, de niveau D, reproduisent les flux de recirculation en temps réel, basés sur des modèles CFD.

La gestion efficace du recirculage du souffle rotor principal est essentielle pour optimiser les performances et la sécurité des hélicoptères. Grâce à une combinaison de conceptions innovantes, de technologies avancées et de pratiques opérationnelles rigoureuses, les constructeurs et les opérateurs peuvent atténuer les effets négatifs de ce phénomène, assurant ainsi des opérations plus sûres et plus efficaces.

HELICOLAND est le spécialiste de l’hélicoptère.